Jeudi 21 septembre 20h30 à Juzet : Affreux, sales et méchants

Affreux, sales et méchants (1976) est sans aucun doute l’un des films les plus remarquables et originaux d’Ettore Scola. Il est à la fois typique de la comédie italienne et du cinéma de Scola mais fait également preuve d’une radicalité hors-norme dans le registre de la noirceur et du pessimisme. Affreux, sales et méchants réaffirme l’origine néo-réaliste de la comédie italienne : monter les choses telles qu’elles sont, mais avec une loupe grossissante ou un miroir déformant. Ce film qui prend pour cadre un bidonville sur une colline de Rome – le quartier de Monte Ciocci, on distingue au loin la coupole de la Basilique Saint-Pierre – devait être à l’origine un documentaire. La misère représentée dans le film, digne du Tiers-Monde au cœur d’une puissance industrielle européenne, était bien réelle au moment du tournage et part d’un travail d’observation. Mais Scola est avant tout un fabuliste, un ancien dessinateur de presse – comme son ami Fellini – et il a choisi de transformer son projet en fiction, sans doute pour rendre plus frappante la réalité, et lui insuffler une dimension allégorique. Nino Manfredi dans le rôle d’un patriarche borgne et irascible qui veille jalousement sur son magot est la vedette du film, essentiellement interprété par des non professionnels ou des débutants. Manfredi est entouré de « caractères » aux physiques incroyables, figures pittoresques – mais jamais caricaturales – du sous-prolétariat romain. L’obsession de la survie et de l’argent, le fantasme d’un confort petit-bourgeois inaccessible mais qui corrompt moralement les déclassés irriguent le film tout entier. Afffreux, sales et méchants propose une violente critique du consumérisme et du néocapitalisme de l’Italie du « boom », qui nie l’extrême pauvreté d’une partie de sa population. Affreux, sales et méchants témoigne enfin et surtout d’une verve bouffonne absolument irrésistible : c’est un chef-d’œuvre d’humour noir, une excellente comédie et l’un des grands films politiques italiens des années 70.

septembre 17, 2017