Le Mot du Président de septembre
Le cinéma comme un miroir
Un aristocrate engage un domestique pour s’occuper de sa maison. Parfait et efficace le domestique s’immisce progressivement dans la vie privée du maître et prend le pouvoir. La relation dominant/dominé s’inverse complètement.
Une maison qui devient un huis-clos, un maître et son valet, des identités sociales , culturelles, sexuelles brouillées, des rapports de classe avec un arrière-plan de frustration sexuelle…
Illustration brillante de la fameuse dialectique maître/esclave, « The Servant « ( Joseph Losey, 1963) interroge la question du pouvoir dans les rapports humains et sociaux.
Illustration concrétisée, matérialisé par les miroirs, omniprésents dans le film, non seulement éléments de décor mais outils de mise en scène, qui reflètent les jeux de pouvoir et la confusion identitaire entre les personnages.
Un plan magnifique – ne le manquez pas ! – résume bien le propos de Losey : un miroir, convexe ( !) agrandit et déforme l’espace, maître et serviteur filmés indirectement apparaissent enfermés dans le miroir, hors de la réalité, condamnés au face à face ; sorte de «mise en abyme » qui suggère le renversement de pouvoir. Le miroir convexe condense ainsi la thématique centrale du film : identité brouillée et rapports de pouvoir perturbés.
En jouant sur les miroirs, Losey nous rappelle que , dans le cinéma, tout est représentation , illusion , jeu de rôles et nous suggère une réflexion sur le statut même de l’image. Le cinéma , un art qui projette des images, dédouble la réalité, invente une autre réalité ?
Bon film , regard attentif et critique (heu …ne ratez pas les miroirs ! ).
Jean Paul Durand