Le mot du Président

“ Cendres et diamant ”

Souvent au cinéma le titre retenu pour un film relève d’un artifice commercial ( des titres font vendre, d’autres non…), d’une complicité provoquée entre le réalisateur et le spectateur, ou bien il est le simple  et banal reflet du navet insipide qu’est le film.

Parfois, en revanche, le titre , par sa brièveté, son minimalisme – jusqu’à la sécheresse brutale –  impose de fait un juste résumé des enjeux du film, suggère un  horizon narratif sans limites,    jusqu’à un imaginaire qui invite à rêver . Justesse accentuée par la juxtaposition de termes, leur opposition , leur ambivalence, leur ambiguïté ,  leur polysémie.

C’est le cas avec “Cendres et diamant” de Andrzej Wajda (1958). 

“Cendres” au pluriel et “Diamant” , au singulier.

 “Cendres” renvoie au deuil, à la mort, à la guerre  – l’action se situe le 8 mai 1945 , jour de la libération de l’ Europe. Mais à quoi renvoie “diamant” ? Sous les cendres, après les cendres, qui y a-t-il ?     Pureté et éternité d’un amour possible ? Possibilité d’un lendemain heureux? Un avenir enfin lumineux? 

Un film inscrit dans l’ Histoire par un “cinéaste citoyen” Andrzej Wajda. Un film éminemment politique par un cinéaste, qui par sa vie et son oeuvre , résume l’histoire tragique de la Pologne au XXème  siècle : jeune cinéaste dans la Pologne détruite  de l’après guerre (il a 32 ans en 1958 lorsqu’il réalise ce film) , père officier massacré à Katyn par la police soviétique, filmographie éloquente qui dénonce le stalinisme, interroge la Révolution  (“ L’Homme de fer” , “L’ Homme de marbre”, “Quand Napoléon traversait le Niémen”, “Danton”…).

 8 mai 1945 : le film dure la soirée et la nuit de liesse qui suit la victoire mais une nouvelle guerre éclate entre nationalistes et communistes. Une guerre sans fin , miroir de la condition humaine. Illusion , désarroi. Vous n’oublierez pas  l’extraordinaire métaphore des verres de vodka vides évoquant chacun un résistant disparu !

Un film à l’esthétique recherchée, jusqu’au baroque ? –  un noir et blanc d’une remarquable beauté.

Bon film et bon débat !

Jean Paul DURAND

février 16, 2025