JEUDI 15 MARS A JUZET DE LUCHON 20H30 : POETRY

Dans Poetry, Lee Chang-Dong pose la question de la survie de la poésie dans le monde actuel à travers le parcours d’une sexagénaire sensible à la beauté du monde mais confrontée à sa dureté. Au contraire de Secret Sunshine, l’un de ses précédents films, qui extériorisait des émotions extrêmes, Poetry se dessine comme une œuvre tout en intériorité, dans laquelle on relèvera quelques discrètes ellipses lui conférant un charme mystérieux. Interprétée avec un mélange de douceur et d’énergie par Yun Junghee, le personnage de Mija émeut par sa simplicité et sa sensibilité. Un drame à la fois doux et cruel, chargé d’une émotion délicate.

Poetry, c’est donc l’histoire de Mija, une sexagénaire excentrique qui cherche la poésie dans l’univers qui l’entoure. Mais sa vie bascule lorsqu’elle apprend que son petit fils adolescent, qu’elle élève seule et qui ne lui témoigne qu’une froide indifférence, est mêlé à une sombre affaire de viol collectif ayant entraîné le suicide d’Agnès, une collégienne.

A travers les pérégrinations et le parcours introspectif de Mija, Lee Chang-Dong connecte la naissance de la poésie au regard sur le monde mais aussi à la souffrance et au désarroi, pour finalement poser la question de sa survie dans une société où la simple évocation de cet art est devenue synonyme d’ennui. Poetry relie la maladie d’Alzheimer dont souffre Mija à son rapport aux êtres qui l’entourent, et oppose la simplicité et la sensibilité de cette femme à l’indifférence des autres face au suicide de la jeune Agnès. Au cœur du film, la vie, la mort, la mémoire et la poésie forment un cercle en perpétuel mouvement pour engendrer une émotion pure et délicate.

Si l’on perçoit le trouble de Mija, on se demande parfois ce qui se cache derrière ses yeux observateurs, comme dans cette scène où, poussée par les pères égoïstes des amis de son petit-fils, elle rend visite à la mère d’Agnès pour finalement l’entretenir sur les abricots ramassés dans un champ.

Le film semble évoluer au rythme du cœur de Mija, interprétée avec un mélange de douceur et d’énergie par Yun Junghee qui soutient entièrement le film sur ses frêles épaules. Le regard de Mija se confond avec le notre pour nous faire vibrer : la poésie éclot dans les détails les plus imprévus, trésor de la nature ou banalité du quotidien. Lee Chang-dong est un cinéaste qui traque des réalités dérangeantes, triviales, qui retourne le gant d’un réel illusoire pour exhumer la beauté de là où on n’a pas coutume d’aller la chercher.

mars 7, 2018